C’est à l’occasion de la Rétrospective Raoul Ubac (1910-1985), organisée par le Musée des Beaux-Arts de Liège pour le centenaire de la naissance de l’artiste, qu’une importante collection d’œuvres de Raoul Ubac, celle de Jacqueline et Alain Trutat, a été proposée en donation au Musée.

Raoul Ubac, de son vrai nom Rudolf Gustav Maria Ernst Ubac, est né en 1910 à Cologne où il vit durant sa prime enfance. En 1914, sa famille s’installe à Malmedy (Hautes-Fagnes, Belgique) où son père vient d’être nommé juge de paix. Durant sa scolarité à l’Athénée de Malmedy, Raoul Ubac envisage son avenir en tant qu’agent des eaux et forêts (garde forestier). Raoul Ubac se sent proche de la nature. Entre 1927 et 1930, il entreprend de nombreux voyages pédestres en Europe.

Mais lorsqu’il découvre, grâce à un professeur, le « Manifeste du Surréalisme » d’André Breton, il change ses ambitions et s’inscrit dès 1930 en faculté de lettres à la Sorbonne (Paris, France). Il rencontre dans la capitale française le groupe des artistes surréalistes. Il fréquente le quartier de Montparnasse.

Lors d’un de ses voyages en Dalmatie (région de Croatie), Ubac assemble des pierres trouvées et les photographie. Ce premier acte artistique marque le début de sa carrière. A son retour, il s’inscrit à l’École d’Arts Appliqués de Cologne pour y apprendre le dessin et la photographie.

Il expérimente de nouvelles techniques photographiques et expose pour la première fois le résultat de ses recherches à Paris, en 1933. Jusqu’à la fin de cette décennie, Ubac va s’impliquer dans le groupe surréaliste ; ses photographies sont publiées dans la revue surréaliste « Minotaure » et il participe à l’exposition internationale du surréalisme en 1938.

Durant le second conflit mondial, Ubac se réfugie à Carcassonne située en « zone libre » française. Il s’éloigne peu à peu du mouvement surréaliste et réalise de nombreux dessins dits « Les objets les plus simples ». Ces travaux montrent des natures mortes de pain, couteaux, fruits.

Mais l’événement qui marquera un tournant décisif dans l’œuvre de Raoul Ubac, c’est son voyage en Haute-Savoie en 1946. Il y ramasse une ardoise et entreprend de la graver avec un clou. Cet événement qui pourrait être anecdotique, va pourtant déterminer le reste de sa carrière puisque c’est suite à cette nouvelle rencontre avec la nature qu’Ubac se lance dans le travail de taille d’ardoise qu’il poursuivra jusqu’à la fin de sa vie.

Durant la même période d’après-guerre, l’artiste se lance aussi dans des recherches sur la forme et la couleur. Peu à peu son travail tend vers le non-figuratif, vers l’art informel. Fin des années 1950, il quitte Paris et s’installe à Dieudonné (dans l’Oise, France) où il travaillera jusqu’à la fin de ses jours en 1985.

 

L’exposition met à l’honneur les techniques de Raoul Ubac liées à l’ardoise. La première rencontre de Raoul Ubac avec l’ardoise lors de son voyage en Haute-Savoie en 1946 va être décisive pour la suite de sa carrière. Ce premier morceau de matière, il le grave de lignes simplement avec un clou. Ce besoin d’entailler la pierre s’impose véritablement à lui. Ubac est réellement fasciné par la structure de l’ardoise composée d’une succession de couches pierreuses comme un « millefeuille ». Cette pierre est difficile à travailler car elle réagit de manière imprévisible aux outils qui l’entaillent. Ubac va parvenir à maîtriser cet élément naturel et sa structure lamellaire. Il va alors poursuivre ce travail sur l’ardoise. En travaillant cette pierre, Ubac renoue avec la nature qui a bercé son enfance. Au début de sa réflexion, il conserve la forme des pièces d’ardoise qu’il trouve, incisant des motifs simples et mouvementés, presque archaïques, où la surface sombre de la pierre contraste avec le sillon gris clair provoqué par l’outil. Certains membres du groupe CoBrA compareront même son travail aux gravures préhistoriques.  Raoul Ubac utilise l’ardoise comme d’autres artistes utilisent le bois. Il fait de la pierre une matrice (une plaque à graver) qu’il enduit de gouache avant de presser le papier dessus. Il obtient ainsi une impression, une empreinte. Peu à peu, il ressent le besoin de se mesurer à des pièces de plus grande envergure, et en trois dimensions, comme des totems. L’idée du corps humain reste profondément présente même s’il réduit la forme à l’idée de base. C’est notamment le cas de sa série de torses où seule la silhouette du buste humain est esquissée.

Le parcours présente également le rôle de la peinture dans son travail. Après la guerre, Ubac se distancie peu à peu du mouvement surréaliste. Il souhaite renouer avec les choses simples. Il se tourne vers la peinture et, entamant un nouveau chapitre dans son travail, il puise les fondements de son art dans les souvenirs des paysages de son enfance. Les promenades et études de la nature réalisées dans les Hautes-Fagnes ont nourri son imaginaire et l’ont aidé à appréhender la morphologie de la terre. Le début de cette nouvelle réflexion sur la peinture est marqué par la thématique dominante des « têtes ». Les grandes lignes des objets sont perceptibles. Ce sont des silhouettes placées sur des fonds colorés diffus qui se fondent ensemble. Ces arrières-plans deviennent progressivement des « compartiments réguliers ».  Avec le temps, les formes tendent vers une certaine abstraction. Pourtant, le travail de l’artiste ne peut être définitivement classé dans cette catégorie. En effet, malgré le caractère informel donné aux éléments de la composition, on distingue toujours un corps couché, une tête ou un torse. Au début des années 1960, Raoul Ubac passe un nouveau cap. Son travail se situe à la frontière de la peinture et de la sculpture. En effet, Ubac va donner du relief à la surface de ses peintures. En amalgamant résine, poudre d’ardoise, cendre, papier, ou encore textile, il crée une matière qu’il travaille en volume à la surface du tableau. Dans ces nouvelles expérimentations, Ubac évoque les traces laissées par l’homme. Les torses et les corps humains côtoient le thème des sillons laissés dans le sol lors du labour. Par des lignes simples, des éléments purement plastiques et un travail en sobriété et en économie de couleurs, voire austère, Ubac maîtrise le pouvoir de la suggestion où sont toujours présents, en toile de fond, l’homme ou son action.

La donation reçue par la Ville de Liège concrétise le vœu de Jacqueline Trutat, née Jacqueline Harpet, de ne pas disperser un ensemble très complet de quarante-six œuvres, qui révèlent la grande diversité, mais aussi la cohérence thématique, des différentes techniques utilisées par Raoul Ubac depuis la Seconde guerre mondiale.

C’est l’ensemble de cette donation qui est mise en valeur dans la galerie noire du musée. Cette galerie a été conçue comme un écrin pour les œuvres sur papier, grâce à un système d’éclairage « froid » qui ne s’active qu’en présence du visiteur afin de réduire le temps d’exposition à la lumière.

Informations pratiques

Du 23 mars au 10 septembre 2017
Tarif « collections permanentes » : 5 € / 3 €

 

Loading

Vous pouvez également aimer :