« De quoi parlons-nous quand nous parlons de culture ? ».

C’est la question avec laquelle Mme Alda Gréoli a débuté son exposé sur « La culture à Liège » le jeudi 12 octobre à l’auditorium de la Boverie. Invitée de notre Club Culture, Mme la Vice-Présidente du Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Ministre de la Culture, de l’Enfance et de l’Éducation permanente a livré, à un public tout ouïe, sa conception d’une nouvelle politique culturelle plus adaptée à notre société actuelle ainsi que ses engagements afin de la mettre en œuvre.

Parler de culture pour Mme la Ministre « c’est d’abord faire le lien entre le passé et le présent. C’est faire le lien entre la créativité et l’espace ou le média pour l’exprimer. C’est oser l’investissement, la prise de risques, mais aussi la rencontre, l’émotion. C’est oser dire l’importance d’une langue et d’un langage sous toutes formes, mais aussi s’aventurer dans les territoires de l’autre, d’ici et d’ailleurs ».

Bien plus qu’un simple divertissement, la culture est une nécessité, voire un remède aux maux identitaires et sociaux. D’ailleurs, selon Mme Gréoli, la meilleure manière de faire avancer notre état de santé en général, c’est d’investir dans la culture. Chiffres en main, elle démontre que la Fédération Wallonie-Bruxelles est consciente de l’importance d’investir dans le secteur culturel auquel un budget global de près de 800 millions d’euros est consacré. Et d’ajouter, non sans une teinte de fierté dans la voix, qu’en 2017, le budget de la culture a été augmenté de 3%, contrairement à celui de la Flandre, qui a diminué de 3%, et celui des Pays-Bas qui a subi une diminution inquiétante de 25%.

Concrètement, pour notre métropole, l’augmentation du budget de la culture a permis de dégager les moyens nécessaires pour la rénovation du MAD Musée. « L’art différencié m’est cher », souligne Mme la Ministre. « Il faut être conscient que Liège accueille avec le MAD un endroit quasi unique en Belgique dont à la fois l’expertise et les collections sont réputées mondialement ». Le projet, d’une subvention globale de 1.770.637 euros, permettra de quadrupler la surface d’exposition.

Octroyer une subvention au MAD plutôt qu’à un autre projet culturel est un exemple de ce que Mme la Ministre appelle un « choix objectivé », étant donné qu’en dehors de deux trois galeries spécialisées, il n’y a pas de lieu, ni dans la partie francophone ni en Belgique, dédié à l’art différencié. « Il s’agit de faire des choix basés sur des critères objectifs », explique Mme Gréoli, « et si je peux imprimer quelque chose en culture, en dehors de ma volonté de la soutenir, c’est d’y amener une gouvernance objectivée ».

Afin d’instaurer cette nouvelle gouvernance, deux engagements doivent être respectés. D’une part, le régulateur ministériel doit fournir aux opérateurs culturels les règles d’octroi des subsides et les grilles d’évaluation des projets, en explicitant en quoi elles sont objectives. D’autre part, le régulateur doit être conscient et doit respecter la distance qui sépare son rôle de celui de l’opérateur. « Je suis partisane de l’absence de politique dans les conseils d’administration de nos institutions culturelles », confie Mme la Ministre. « Mon rôle est que l’on se mette d’accord sur les objectifs sur la base desquels j’accorderai les subsides. Je n’ai pas à dire comment les opérateurs doivent faire leur travail ».

La concertation et le dialogue avec les acteurs culturels constituent la base sur laquelle cette réforme de la gouvernance est fondée. « C’est, d’ailleurs, toute la philosophie de l’opération ‘Bouger les lignes’ », affirme Mme la Ministre. Entreprise il y a deux ans, cette opération a rassemblé près de 5000 professionnels de la culture qui ont été invités à formuler des recommandations reflétant leurs attentes. À l’issue de la phase de consultation, un plan d’action répondant aux besoins du secteur a été établi. L’idée, explique Mme Gréoli, « est vraiment d’adapter la politique culturelle à la société, aux cultures et aux pratiques d’aujourd’hui et de laisser ouvertes les portes à celles de demain ».

Quelques axes forts de cette nouvelle philosophie sont déjà rencontrés par des acteurs liégeois. Mme la Ministre a mis en évidence les fructueuses collaborations entre l’Orchestre, l’Opéra et le Théâtre, ainsi qu’entre diverses expositions à Liège afin d’offrir une billetterie commune. Elle a souligné, par ailleurs, les actions menées en faveur d’une alliance entre culture, école et jeunesse telle que l’introduction du « parcours d’éducation culturelle et artistique » (PECA) pour remettre la culture au cœur des apprentissages. Elle a aussi salué le travail d’institutions liégeoises, comme Le Comptoir des Ressources Créatives, La Chaufferie Acte 1 et La Halte, qui procurent aux artistes de l’accompagnement et des ressources mutualisées.

Vecteur de sens, d’enracinement et de cohésion sociale, la culture est également un indéniable pilier de l’économie tant en Europe qu’en Belgique. « L’industrie culturelle, c’est 4% du PIB et 535 milliards de chiffre d’affaires au niveau de l’Europe », indique Mme la Ministre. « C’est le troisième employeur européen avec 7 millions d’emplois dont 19% sont occupés par les moins de trente ans et c’est, à mon avis, la première industrie en termes de valeur de bonheur ajouté ! ». En Belgique, l’emploi culturel compte près de 185.000 postes de travail, dont 42.000 en Wallonie et 37.000 à Bruxelles. Il représente un total de 48 milliards de chiffre d’affaires, soit près de 5% du PIB. « Tout le monde aura compris », conclut notre invitée, « l’importance de permettre à la culture de poursuivre son œuvre créatrice d’hommes et de femmes debout ! »

Houda Joubail

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