Né à Liège en 1943, René Swennen, docteur en droit de l’Université de Liège était avocat aux barreaux de Liège et de Paris. A côté de sa brillante carrière d’avocat pénaliste, il nous a laissé plusieurs romans et essais. Il est décédé le 31 janvier 2017.

« Dom Sébastien, Roi du Portugal » est son premier ouvrage, il fait référence à l’opéra de Donizetti. Il a été récompensé par le prix Max Barthou de l’Académie Française.

Mais ce sera un pamphlet, Belgique requiem, paru en 1980 qui le fera connaître. Cet essai présente les Wallons et les Flamands comme un couple prêt au divorce. Il récidive en 1990 avec Belgique requiem, suite et fin, sous forme d’abécédaire qui dit-il « trahit sa conception diffractée de l’univers », cela va de la religion au féminisme, de l’importance du football à ses goûts gastronomiques, jusqu’à l’évolution de la littérature française. Ces pensées vagabondes, ces témoignages du passé, cette impertinence, cet humour lucide ont un charme incontestable. Il pourrait être une sorte de Dutourd wallon.

Passionné par l’Histoire, René Swennen a multiplié les romans liés aux grands bouleversements. Avec Palais Royal, paru en 1983, il conte les aventures d’un jeune Liégeois jeté dans le Paris bouillonnant de 1793. Le parcours de ce héros dans la période charnière de la fin du 18e siècle et le début du 19e nous offre une vision de la Révolution française et éclaire la naissance de nos sociétés modernes.

En 1985 paraît La nouvelle Athènes, au 19e siècle, à Paris, on retrouve le héros de Palais Royal. Merveilleux tableau d’une époque bouleversée par la chute de l’empire et les débuts tumultueux de l‘impressionnisme. C’est un grand roman d’apprentissage.

Avec Les trois frères, en 1987, des personnages du 19e siècle sont jetés de force dans le 20e. Nous assistons à la montée, à l’épanouissement puis à la chute du nazisme. Et, tant dans la carrière militaire, dans les ordres religieux ou la vie familiale, nous serons les témoins des drames et des désillusions. Le prix Rossel a couronné ce roman.

Le Saint Suaire de Turin a inspiré à René Swennen une ingénieuse et déconcertante affabulation. Dans Le roman du linceul, si le crucifié n’est pas le Christ, qui est-il ? D’une manière violente et mouvementée, nous sommes confrontés à la fabrication d’une relique avec la dérive de la secte des « agellants ». Le ton simple et rapide emprunté aux chroniques médiévales nous donne une image saisissante du 14e siècle. Ce roman est paru en 1991 sous la prestigieuse couverture blanche de Gallimard.

La disparition de John, paru en 2008, nous propose un puzzle dont les pièces s’ajustent à partir d’événements, de lieux, de gures, avec pour ls conducteurs, la mafia, le mysticisme chrétien, le paganisme et le personnage de John. L’écriture de ce texte atypique est proche de celle des rapports administratifs mais avec des concours de circonstances drolatiques. C’est un chef-d’œuvre architectural subtil et complexe.

En 2012, dans L’ombre de Palerme, nous retrouvons le 20e siècle et le parcours d’un ls d’émigré sicilien élevé dans la banlieue industrielle de Liège. Il quittera Liège pour Paris puis rejoindra Palerme où il deviendra avocat. Le héros entrera progressivement dans Cosa Nostra dont il deviendra un des parrains. Une prose sèche et pourtant lyrique anime ces événements et ces passions d’un style stendhalien qui rappelle Le Guépard.

Un recueil de nouvelles, Cinq meurtres comme une œuvre pieuse, meurtres ayant pour trait commun d’être perçus par leurs auteurs comme une œuvre pieuse, sans être pourtant considérés comme une bonne action.

Le dernier roman posthume de René Swennen, L’art de la mode, s’inspire de la vie d’une créatrice de mode des années 70 et suivantes et met en relief le dessin et le tissu.

René Swennen s’est également essayé avec succès au théâtre. Le Soleil et le Mousquetaire. Fouquet et son geôlier d’Artagnan pendant le procès du premier. La compréhension et l’estime naissent progressivement entre les deux hommes. À l’arrière-plan, le procès apparaît en ligrane, ainsi que les grands débats qui déboucheront un siècle et demi plus tard sur la Révolution française. Cette pièce a été créée au Festival de Stavelot le 9 juillet 1993.

La nuit de la St Nicolas a été jouée pour la première fois le 22 avril 1998 par la troupe du Jeune Barreau de Liège. Contre toute attente Louis XIII et Anne d’Autriche vont se retrouver dans tous les sens du terme pour concevoir le futur Louis XIV la nuit du 5 au 6 décembre 1637.

Passionné de littérature japonaise, René Swennen s’est essayé au Nô ou chroniques en vers pouvant être chantées et dansées. Cinq nô occidentaux renvoient aux Cinq nô modernes de Mishima, autrefois montés dans une mise en scène inoubliable par Maurice Béjart. Le parti de Mishima était d’adapter des thèmes du nô classique au théâtre moderne. Celui de René Swennen est d’adapter des thèmes de la littérature occidentale à la forme japonaise : Dieu, la femme, la frivolité, la mort.

___________________________

René Swennen vouait une vraie passion à l’Histoire, aux lettres et à la littérature française. Son écriture inspirée par la littérature romantique – il aime Stendhal, Balzac, Musset – s’est détachée de tout pathos superflu, tel le style japonais. Il faut le lire ou le relire.

 

Fanny Lecomte

Loading

Vous pouvez également aimer :